mardi 16 février 2016

Doll (lettre 47)



Cher Johan, 

avant que Koch arrive l'autre jour, Charles m'a rasé la tête, enfin, il a d'abord coupé mes cheveux et puis comme ça n'allait pas, il a décidé de tout raser avec un coupe-choux au manche en nacre un truc joli, il m'a montré comment faire c'est facile, même à faire seule, on doit juste bien faire attention à mettre la lame dans le bon sens enduire le crâne de mousse et avec application et patience passer, ôter, tremper… revenir… La boule à zéro, c'est chic ! 
...
Koch est donc venu, j'étais prête, chaussures aux pieds pantalon gros pull à col roulé bonnet sur la tête bien enfoncé jusqu'en-dessous les oreilles. J'avais chaud, ne voulais rien quand Charles lui a proposé un café et du cognac et que je transpirais alors j'ai juste ouvert mon manteau mais j'ai gardé le bonnet parce que je ne savais pas quoi faire sans cheveux me sentant un peu nue. Nue par au-dessus dans cette partie du corps que les filles ne montrent pas d'ordinaire, tu comprends ? Koch a vraiment de belles boucles, sa barbe a poussé et on n'y voyait pas beaucoup de peau sur son visage à part un peu sur les joues, l'arrête du nez qu'il a de fin, les yeux et un morceau du front. La peau des yeux, les paupières elles je les voyais bien et c'est bien la première fois que je regardais un visage avec curiosité, que je trouvais tout curieux même des choses que j'avais vues un milliard de fois. Koch est peut-être la première personne que j'ai regardée ou plutôt que j'ai vue. 
2 cafés plus tard et 1 cognac versé dans le dernier des cafés, nous sommes partis raccompagnés par Charles jusqu'au seuil de la porte. Il m'a embrassée, a donné une poignée de main à Koch. 
… 
Rien à dire sur la promenade, Johan, vraiment, c'est trop intime. Oui, rien à dire ou plus tard. J'ai un peu mal au cœur. Il est reparti et je ne sais pas s'il va revenir ; quand pour combien de temps ou si moi j'irai le voir en ville…  Pour faire quoi ? 
En tout cas, il m'a demandé si j'avais été contente de la journée et m'a dit que je pouvais bien enlever mon bonnet si j'avais trop chaud, qu'il en avait vu d'autre… 
D'autre ? 
Mais quoi, d'autre ? 

Je rumine. Je suis une herbivore qui mâche et remâche. Son nez me plaît beaucoup. Il n'est pas si fin que ça, il est long et puis comme il faisait très froid, il est devenu aussi rouge que le mien. J'étais contente. 

Voilà, cher ami, mon œil s'ouvre ; je ne vois plus rien en entier mais des détails. Je découpe. Dis-moi toi comment tu vas, ce que tu fais, ce à quoi tu penses ? As-tu l'impression de changer ? 

Je t'embrasse bien fort, 

Doll



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