mardi 9 février 2016

Doll (lettre 48)

Johan, mon ami, comment vas-tu ? Je t'espère plus en forme que dans ta dernière lettre, tu me semblais un peu triste. J'espère que ce n'est pas lié à ta captivité ou plutôt à cause d'elle, à cause de ton enfermement.  

De son côté, Charles va beaucoup mieux, il n'est pas revenu sur les raisons pour lesquelles il était parti l'autre fois mais il a retrouvé des couleurs, dort moins et s'est remis à parler. Il me traîne toutes les fins d'après-midi au café jouer aux fléchettes. Il gagne tout le temps, est persuadé que je  le laisse gagner mais ce n'est pas vrai ! Je me suis habitué à la vie sans cheveu. J'adore maintenant passer ma main sur mon crâne, c'est doux. Au bar, il est devenu une sorte de porte-bonheur, les gars le touche avant de commencer une partie de billard ou avant de lancer leurs premières flèches. On cogne, on tape, on caresse, selon. Certains le prennent entre leurs deux paumes et l'embrassent. « Tête d’œuf » est mon surnom. Il n'y a que la postière qui ouvert grand ses yeux horrifiés ; elle a peut-être pensé que j'avais un cancer. Je n'ai rien dit. J'ai juste souri. Ma clé est à mon poignet. Quand Koch a pris ma main l'autre jour dans les bois, il m'a demandé ce que c'était. J'ai répondu que c'était la clé d'un château quelque part, qu'un jour j'irai là-bas, qu'un jour il viendra peut-être. C'est bien la seule question qu'il m'ait posé. Pour le reste tout l'indiffère sauf les bois, l'odeur de la forêt. Il connaît plein de variétés d'oiseaux, m'a fait une petite leçon sur les animaux migrateurs. Les colibris sont les plus petits oiseaux qui existent sur cette terre, des oiseaux-mouches Ils peuvent voler en avant mais aussi en arrière, ça Koch l'a dit aussi mais je n'ai pas vérifié. Moi, je regardais son nez, il a vraiment un très beau nez et puis des yeux tout ronds. Il est sans doute un peu oiseau lui aussi. Il a de longs bras et quand il court, ce ne serait pas si étonnant que ça qu'il s'envole. J'espère vraiment le revoir bientôt. 
… 
Hier, dans la nuit, j'ai essayé de faire quelques dessins pour toi. Je commence mais ne termine pas parce que j'aimerais vraiment être capable de dessiner ce que je vois, comme je le vois ; ce détail qui se déplie, je te l'ai déjà dit dans une autre lettre je crois et qui englobe ou surpasse tout le reste. Si je devais dessiner Koch, je ferai un nez et des boucles, un nez qui va loin qui doit sentir des tas de choses que je ne perçois même pas. Je ne sais pas comment je pourrai dessiner Charles, ce qui le représente. Sans doute la gentille exquise. Comment elle se dessine ? L'autre solution pour dessiner serait de me laisser tout à fait aller et de penser à eux. Que viendrait-il ? 

Je vais déjà aller poster cette lettre. Il me reste deux timbres. Ensuite je verrai bien parce que je commence à ne plus avoir d'argent… Puis-je demander à Charles quelques pièces ? Ou à Koch ? Trouver un travail ? 

Voilà que ça me reprend. Pour quoi ne pas seulement souffler sur la lettre, qu'elle te parvienne enfin ! 

Johan, même si je te le dis moins, j'attends tes lettres avec beaucoup d'impatience. Je pense à toi avec l'envie de te lire. 

Des bisous, 

Doll



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