jeudi 10 décembre 2015

Doll (lettre 1)

Mon cher Johan,
Je pense beaucoup à toi depuis que je t'ai vu à ton procès. Tu avais l'air si absent et si désespéré que j'ai senti naître en moi un sentiment que je ne parviens pas encore à qualifier. Tu n'as rien de ce qu'ils ont dit de toi, tu n'es pas cruel et on ne peut pas dire que tu as fait du mal. Je trouve que ce qui t'arrive si loin de ton pays est vraiment injuste. C'est mal. Ne sois pas trop désespéré, je suis là. Je m'appelle Dolorès mais mes amies me surnomment Doll, utilise ce nom si tu veux et ainsi on sera amis, toi et moi.
Aujourd'hui parce qu'il fait beau, je suis allée me promener dans un parc à l'heure du déjeuner (je travaille dans une boutique de chaussures), j'ai pensé à toi. J'espère que ce n'est pas trop dur. J'ai  acheté un sandwich énorme (au thon avec des œufs, des crudités et de la salade) mais je n'ai pas pu le finir alors j'ai nourri des oiseaux. Je n'aime pas tellement les grandes villes, il y a trop de violence et de monde. A toi à qui je peux parler, je peux bien te le dire, je suis timide et j'ai du mal à entrer en contact avec des gens mais avec toi, je me sens bien et je crois que je pourrais tout te dire si tu voulais bien.
Il est maintenant le soir, il fait nuit et je suis seule à la maison. Le quartier est paisible ; il se trouve  en banlieue mais il n'est pas trop infesté de problèmes. L'appartement est petit, confortable. Il y a une petite cuisine, un petit salon qui ouvre sur une véranda dans laquelle j'ai installé ma chambre. J'ai tout ce dont j'ai besoin. Ça me suffit. Souvent, je pense que personne n'a besoin de luxe pour vivre, que c'est parce qu'on croit le contraire que des gens commettent des choses méchantes. Qu'en dis-tu, toi ? As-tu déjà fait des choses méchantes ou mauvaises ? C'est vrai que je pourrai aussi le comprendre. Il ne faut pas juger trop vite et puis, qui n'a pas rêvé d'une grande maison avec un homme ou une femme et des enfants ? As-tu des enfants ? Je suis certaine que tu serais un bon père. Je vois cela tout de suite.
Oh ! Mais je commence à bavarder comme avec un camarade cher à mon coeur. Excuse-moi. Comment vas-tu ? Comment est ta cellule ? Dois-tu la partager avec quelqu'un ? Combien êtes-vous ? Mon frère que je ne vois plus (je te raconterai pourquoi) a passé du temps dans un pénitencier. Il s'est beaucoup plaint. Es-tu aussi à te plaindre ? Ce serait bien normal mais je pense qu'il faut accepter ce qui nous arrive et que tu es suffisamment intelligent pour le comprendre.
Le temps tourne. J'écris lentement sur un ordinateur parce que mon écriture est illisible. Si tu préfères des lettres manuscrites, dis-le moi et je m'appliquerai pour t'en écrire.
Permets-moi de te saluer. J'espère recevoir une réponse de toi mais ne t'inquiète pas si tu n'as pas le temps de m'écrire, je patienterai.
A bientôt Johan.
Doll.

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